Thursday, April 2, 2009
Brahms et Bloch ciselés dans le nielle sur l'or massif
Bronfman joue Brahms
Compte-rendu du concert du 31 mars 2009 à 20h
Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts
Kent Nagano, chef d’orchestre
Yefim Bronfman, piano
Thom King , baryton
Sherrill Milnes, narrateur
Œuvres :
Johannes Brahms, Concerto pour piano n° 2
Ernest Bloch, Avodath Hakodesh (Service sacré)
Causerie avant-concert, 19 h
Kelly Rice, réalisateur-coordinateur et animateur à CBC Radio Two,
reçoit Kent Nagano, directeur musical de l'OSM.
Texte de l’OSM :
Lyrisme somptueux et grandeur majestueuse définissent le superbe Deuxième Concerto pour piano de Brahms. Épique, puissamment évocateur, dangereusement difficile, il reste une œuvre phare du répertoire concertant. Yefim Bronfman, un des pianistes les plus importants de la scène internationale, participait en 1986 à la tournée américaine de l’OSM.
On doit au compositeur Ernest Bloch des pages instrumentales empreintes d’une profondeur exceptionnelle et d’une beauté suave. Il a souhaité faire de Avodath Hakodesh (Service sacré) une grande fresque chorale véhicule d’un « message humaniste universel…en fait, un cadeau à l’humanité tout entière ». L’œuvre a été créée en 1934, contemporaine de la Société des Concerts symphoniques de Montréal qui allait devenir l’OSM en 1954.
Commentaire de Pierre :
a) La causerie d’avant-concert :
Fort intéressante, la causerie a permis de comprendre toute l’importance de Avodath Hakodesh de Ernest Bloch dans la vie de Kent Nagano puisqu’il a parcouru cette œuvre plusieurs fois dans sa carrière. Il la conçoit de l’intérieur et la contemple avec simplicité et pragmatisme hors du terrain miné par les déformations religieuses liées au contexte strictement hébreu de l’infrastructure musicale. Il a cité la réponse de Messiaen qui lors d’une Master Class, a fait comprendre à ses étudiants que les racines religieuses d’un compositeur ne constituent pas l’aspect primordial et exclusif pour la compréhension profonde d’une œuvre : il faut sortir Bach du contexte strictement lutérien, Messiaen du contexte strictement catholique et Bloch du contexte strictement hébraïque.
Bien que Bloch est un compositeur aux aspects théâtraux, M. Nagano a mis en garde ses musiciens et ses choristes de ne pas ajouter des effets extérieurs à l’œuvre pour ne pas tomber dans un biais romantique, un rendu flamboyant dans le style de l’opéra italien ou une facture hollywoodienne à l’opposé des intentions du compositeur. Il a préconisé la simplicité et l’humilité pour atteindre la vérité de ce service sacré.
b) Le Concerto pour piano n° 2 de Brahms :
Cette oeuvre est souvent mal intégrée par les interprètes qui sont incapables de dégager l’élément concertant d’une infrastructure quasi symphonique. Lorsque l’intensité, le phrasé, la qualité des attaques ne sont pas au rendez-vous, ce concerto devient facilement une abysse marine au creux de laquelle se dissout la structure pianistique avec quelques éclairs de vitalité.
Yefim Bronfman, fort d’une alchimie acquise par la connaissance intrinsèque de l’OSM, nous a livré un vrai concerto pour piano. Enfin j’ai entendu l’œuvre telle qu’elle devrait être présentée. Tout était clair, transcendant, rutilant par phosphorescence. Chez Bronfman, on ne s’étouffe pas dans les subtilités à la française dans lesquelles de grands interprètes sont tombés avant lui. Il comprend ce Brahms, un allemand, homme du nord pragmatique avec cette énergie semi sauvage pétrie de l’humus des boisés et pourtant profonde et saline comme la mer (que l’on retrouve par ailleurs, jusque dans l’œuvre pour orgue d’un Buxtehude).
Voilà le concerto recentré dans cette pleine mesure de sa puissance : de quoi faire pâlir les critiques de l ‘époque de Brahms face à l’œuvre. Avec une impulsion d’une telle amplitude, l’œuvre mériterait d’être enregistrée car il existe entre Bronfman, Nagano et l’OSM, une équation trinitaire qui synergise ces pages trop souvent décriées par l’ignorance et le manque d’esprit de synthèse.
Mon appréciation : 9/10.
c) Avodath Hakodesh (Service sacré) de Bloch :
Servie par Thom King , le baryton dans une forme lumineuse et un Sherrill Milnes, en narrateur somme toute honnête, ce service sacré était une ode pénétrante à toute la spiritualité hébraïque. Le chœur, l’orchestre menée de main de maître par un Nagano dans sa demeure comme un gamin déambulant sur le parvis du temple de Jérusalem pour la septième fois, les solistes, ont ouvert le ciel au dessus de nos têtes a plusieurs reprises au cours de la prestation. Nous avons eu droit à tous les effets du soleil sur la crète musclée des nuages de Michelange, tous les points de vue d’un aigle planant sur l’horizon des grands couchers de soleils et plusieurs reflets intimes des rayons de lune sur la marge ciselée de l’Arche d’Alliance.
Nous sommes sortis de cette soirée trois fois bénis par le narrateur et aussi repus que le roi David après avoir mangé les pains de proposition dans un geste d’indulgence divine.
Quelle soirée se terminant par une ablution des eaux lustrales d’une des grandes œuvres religieuses du répertoire choral.
Il y avait dans ce concert de l’OSM quelque chose de magique qui remet le Montréal classique dans la mire d’une excellence digne des archers célestes. L’annonce du Juno Award remporté par le dernier enregistrement de l’OSM risque d’entrouvrir la porte pour un avenir meilleur. Cessons d’avoir peur de notre ombre la dynastie Dutoit est finement passée à l’histoire pour ouvrir à Nagano le champ offert par les possibilités nouvelles du réel.
Mon appréciation : 9/10
Note :
Le nielle est en art l'incrustation d'un mastic de couleur foncé dans les traits d'un dessin gravé sur une matière dure, pierre, ivoire ou métal noble.
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